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Prix agricoles : l’échec du relèvement du seuil de vente à perte

Le relèvement du seuil de vente à perte : un chèque en blanc à la grande distribution.

Le relèvement du seuil de vente à perte : un chèque en blanc à la grande distribution

Deux ans après le discours de Rungis (le 11 octobre 2017), l’UFC-Que Choisir a fait le bilan de la loi agriculture et alimentation, dont une des mesures phares était le relèvement du seuil de vente à perte destiné à garantir un prix d’achat convenable aux producteurs.

Selon les mots d’Emmanuel Macron, il fallait faire en sorte que cela ne devienne pas ‘’un chèque en blanc’’ à la distribution. Or, c’est devenu effectivement un chèque en blanc assez mal utilisé.

Protestant contre cette mesure aussi inefficace qu’injuste, l’UFC–Que Choisir a rempli le chèque en blanc payé par les consommateurs puisque désormais, nous en connaissons le montant.

Qu’est-ce que le seuil de vente à perte ?

Rappel : il est interdit à un vendeur, sauf rares exceptions, de revendre un produit au-dessous du prix d’achat effectif au producteur. C’est ce que l’on appelle le seuil de revente à perte. Cela correspond au prix d’achat au producteur auquel s’ajoutent le prix du transport, la taxe sur la valeur ajoutée et d’éventuelles autres taxes (TVA).

Ces dernières années, la grande distribution a fait l’objet de critiques sur la pratique de la revente à prix coûtant. Concrètement, sur certains produits qui sont généralement les produits d’appel, le prix de vente aux consommateurs n’est relevé d’aucune marge.

L’enfer est pavé de bonnes intentions, parait-il…mais étaient-elles si bonnes que ça ?

Pour rééquilibrer les relations commerciales entre distributeurs et producteurs, la loi agriculture et alimentation prévoit le rehaussement du seuil de revente à perte. Cette mesure précisée par l’ordonnance du 12 décembre 2018 et un décret du 28 décembre 2018 est entrée en vigueur à titre expérimental pour deux ans le 1er février 2019.

Le seuil de revente à perte est rehaussé de 10%. Cela signifie que le prix de vente au consommateur doit être augmenté de 10% dans le cas d’un produit auparavant vendu à prix coutant. Le dispositif ne précise pas selon quelles modalités le distributeur va reverser ces 10% au producteur. Rien n’oblige celui-ci à augmenter le prix d’achat au producteur.

Le relèvement du SRP : un chèque en blanc de 1,6 milliard à la distribution !

Alors que les représentants de la grande distribution prétendent désormais que le relèvement du SRP n’aurait causé aucune inflation[1], l’UFC-Que Choisir démontre au contraire que cette mesure a bel et bien déclenché une flambée des prix alimentaires. Sur la base d’une étude de prix réalisée sur la totalité des magasins des grandes enseignes[2], il apparaît que les prix alimentaires ont subi lors de l’entrée en vigueur de la mesure (1er février 2019) une brutale augmentation de + 0,83 % en un mois seulement, plus particulièrement marquée dans les hypermarchés et sur les produits de grandes marques. Alors que la facture des ménages en alimentaire s’élève à 95 milliards d’euros par an, le relèvement du SRP se traduira par une hausse de 1,6 milliard d’euros.

Les promesses envolées de modération des marges

En contrepartie de la hausse du SRP qui leur a été accordée, les industriels et la grande distribution s’étaient engagés en 2017 à modérer leurs marges, afin que les prix consentis aux agriculteurs soient plus rémunérateurs. Mais notre analyse des données officielles[3] sur le lait de consommation, la viande bovine et les filets de poulet montre que cette promesse n’a pas été tenue. Par exemple, pour le lait UHT, alors que depuis 2017 le prix revenant à l’éleveur a diminué de 5 %, la marge des distributeurs a au contraire augmenté de 8 %. Résultat : alors que le prix agricole a diminué, les consommateurs paient maintenant le lait 4 % plus cher. Dans le cas de la viande bovine et du poulet, si les prix agricoles ont pu bénéficier d’une légère augmentation, celle-ci est loin de rattraper les baisses subies avant 2017. Loin du « ruissellement » promis, les marges de l’industrie et de la distribution ont encore progressé plus fortement que les prix agricoles, entrainant une inflation supplémentaire injustifiée pour les consommateurs.

La démonstration est faite : stop au relèvement du seuil de vente à perte

Ayant fait la démonstration que le relèvement du SRP n’est in fine qu’un cadeau à la grande distribution sans effet sur le revenu agricole, l’UFC-Que Choisir de la Manche est  intervenue auprès des parlementaires du département afin d’obtenir :

     – L’abandon immédiat du relèvement du seuil de revente à perte ;

     – La transparence totale sur les marges des industriels et des enseignes de la grande distribution par la publication des niveaux de marges nettes réalisées par chacun ;

     – La mise en œuvre effective du rééquilibrage des négociations commerciales, par la publication des conditions de négociation, par des contrôles officiels et l’application de sanctions dissuasives en cas de non-respect de la loi et de prix producteurs en-dessous du prix de revient ;

      – Un dispositif pour déterminer des prix agricoles rémunérateurs prenant en compte les efforts de montée en gamme des exploitants, sur la base de critères notamment sanitaires, environnementaux et nutritionnels.

[1] Jacques Creyssel, Délégué Général de la Fédération du commerce et de la distribution a récemment indiqué que «le consommateur n’a pas été pénalisé par une hausse des prix puisque l’inflation est quasi nulle » – Citation : ‘Les Echos’, 4 octobre 2019

[2] Evolutions tarifaires des produits alimentaires, relevées par l’Institut Nielsen entre août 2018 et août 2019 dans les magasins des groupes Auchan, Carrefour, E.Leclerc, Géant-Casino, Intermarché et Système-U, pondérées par les volumes de ventes (sur la base des chiffres d’affaire publiés par LSA / IRI en octobre 2018).

[3] Indices des prix agricoles et des prix à la consommation de l’INSEE et données de l’Observatoire de la formation des prix et marges sur le lait de consommation, le poulet et la viande bovine.

 

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